Numéro 5 - Damien Abad, député LR de l’Ain

Damien Abad, député LR de l’Ain

Député Les Républicains (LR) de la 5e circonscription de l’Ain, Damien Abad est membre du groupe « Handicap Inclusion » à l’Assemblée nationale. À l’occasion de la Journée Internationale des personnes handicapées, il a accepté de répondre à nos questions et revient sur la question d’inclusion, ainsi que sur son analyse de la politique Handicap du Gouvernement. Rencontre.

Q1. Aujourd’hui se tient la Journée Internationale des personnes handicapées. D’après vous, quelle est la vision que devrait avoir la société sur le handicap ?

Le handicap, qu’il soit léger ou lourd, touche une personne sur six dans l’Union européenne, soit 80 millions de personnes qui n’ont pas la possibilité de participer pleinement à la vie de la cité en raison d’obstacles d’ordre social, environnemental ou comportemental. En France, l’INSEE estime que ce sont 12 millions de personnes qui seraient touchées par le handicap. Il est important de rappeler que 80% des handicaps sont invisibles et que si le fauteuil roulant est le symbole utilisé pour le handicap, il ne concerne que 2% des situations. Ainsi, au cours de sa vie, 1 personne sur 2 connaîtra une situation de handicap ponctuelle ou définitive. Ces chiffres sont clairs : la question du handicap concerne tout le monde.

En France, « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », conformément à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cependant, l’existence ou la survenue d’un handicap interroge profondément l’exercice de ces droits fondamentaux. Cette situation est due à un modèle de société axé sur l’intégration et non sur l’inclusivité. Cette distinction est souvent mal comprise, bien qu’elle se trouve au cœur du combat pour l’insertion des personnes handicapées dans notre pays.

Les travaux du professeur Charles Gardou, qui a d’ailleurs consacré un ouvrage au modèle de société inclusive, sont particulièrement édifiants à ce sujet. Il définit la société d’intégration comme un modèle dans lequel une personne différente des autres doit s’adapter pour être acceptée. A l’inverse, il explique que dans une société inclusive, c’est au système de s’adapter pour offrir un traitement égal à chacun. Seul ce système permet le refus de la mise à l’écart de ceux que l’on juge gênants, étrangers, incompatibles.

Aujourd’hui encore, il revient aux personnes en situation de handicap de s’adapter continuellement, dans n’importe quelle situation. Il est donc nécessaire de repenser notre vision du handicap et de passer d’une société d’intégration à une société inclusive. De dispositions cloisonnées, morcelées, ponctuelles, il faut évoluer vers des mesures globales, transversales et régulières.

En ce sens, j’ai déposé en mars dernier une proposition de loi relative à une société plus inclusive pour les personnes en situation de handicap. Elle a pour objectif d’instaurer un « réflexe handicap » nous assurant que, dans chaque texte de loi, des dispositions soient prévues afin d’adapter le contenu à la situation des personnes handicapées. Pour systématiser cette réflexion, je souhaite que tout projet de réforme ambitionné par le Gouvernement fasse l’objet d’une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées. Chaque projet de loi déposé sur le bureau des assemblées devra être accompagné d’un rapport faisant état de cette réflexion.

Ma réflexion s’inscrit d’ailleurs dans le même cheminement que votre Fonds de dotation : il ne s’agit plus de réfléchir à l’intégration des handicapés de façon isolée mais bien d’en faire un automatisme. La mise en place du Club Handicap & Société est en effet un moyen d’informer, de conseiller, d’alerter les acteurs économiques et politiques en continu sur les besoins des personnes handicapées. En combinant ces différents efforts nous espérons tous pouvoir enclencher une dynamique favorable à la société inclusive et une vraie révolution culturelle au sujet du handicap.

Q2. Quel regard portez-vous sur les politiques publiques du Handicap menées par le Gouvernement français ?

Les politiques publiques concernant le handicap n’ont cessé d’évoluer depuis la loi d’orientation de 1975. 30 ans après, en 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances s’est montrée ambitieuse et a donné l’espoir d’un renouveau pour l’intégration des personnes handicapées. En imposant une accessibilité totale des bâtiments à l’horizon 2015, en créant la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) ainsi que les entreprises adaptées, ce texte marquait un tournant dans la nécessaire évolution du regard de la société sur le handicap.

En revanche, le quinquennat de François Hollande s’est montré décevant à ce sujet. Entre 2012 et 2015, le taux de chômage des personnes handicapées a augmenté de 65% et les réserves financières des différents fonds pour l’aide et l’insertion (comme l’APF ou la FNATH) ont été largement amoindris. Durant cette période, la mise en place d’une accessibilité totale des bâtiments a d’ailleurs été reportée de 3, 6 puis 9 ans. Cette remise en cause de l’accessibilité pour tous laissait penser que les personnes handicapées étaient loin d’être une priorité pour le gouvernement. Faire du sport, aller à l’école, à l’université, dans les transports ou dans une exposition sont autant d’outils à l’inclusivité qui ne devraient plus être un parcours du combattant.

En outre, les politiques publiques menées par le Gouvernement depuis l’élection d’Emmanuel Macron sont synonymes de régression à plusieurs égards.

Je pense tout d’abord au projet de loi ELAN (Évolution du Logement et Aménagement Numérique), qui fait passer de 100% à 20% le taux de logements accessibles à tous. L’accessibilité des 80% restants est dite « évolutive ». Ce terme, défini maladroitement par le texte, ne nous donne aucune certitude quant à la possibilité d’accès de la grande majorité des bâtiments. Pourtant, l’enjeu de l’accessibilité pour tous est inhérent à celui de l’intégration sociale des handicapés. Ce projet de loi va donc dans le sens contraire d’une intégration durable. D’ailleurs, la mise en place d’équipements d’accessibilité dans les sites actuellement interdits ou difficilement praticables pour les handicapés serait favorable à l’ensemble de la population : les enfants, les parents avec des poussettes pourraient en bénéficier. L’intégration des personnes handicapées doit donc être le souci de chacun.

Le travail constitue également un axe que je pense être prioritaire pour l’intégration des personnes handicapées. Leur taux de chômage est deux fois plus élevé que le taux de chômage moyen. En 2017, seulement 43% des personnes handicapées disposaient d’un emploi. Pourtant, en mars dernier, un arrêté ministériel a réduit de 400€ le montant de la subvention spécifique allouée aux entreprises adaptées. Ce modèle d’intégration est pourtant le plus vertueux : l’objectif est d’accompagner la personne salariée en situation de handicap dans son projet professionnel tout en lui permettant d’évoluer dans un environnement de travail adapté. Aujourd’hui, on compte près de 780 entreprises de ce genre qui embauchent plus de 34 salariés dont 80% sont en situation de handicap. Le soutien financier de l’État est indispensable à la pérennité de ce système et cette décision compromet la viabilité de telles infrastructures ainsi que l’emploi de milliers d’handicapés. A noter tout de même que le gouvernement a récemment promis une évolution à ce sujet. Un investissement de 200 millions d’euros serait prévu pour doubler le nombre d’emploi des personnes handicapées d’ici 4 ans. J’espère que l’engagement sera tenu.

Bien que la société doive être inclusive, j’insiste sur le fait que ces dispositifs ne sont pas un enfermement mais bien un tremplin vers l’autonomie et l’égalité. Plus que jamais, il est urgent de lutter contre ces inégalités et de permettre aux personnes en situation de handicap de se déplacer, de s’intégrer et de s’épanouir pleinement dans un emploi qui leur correspond. Si le gouvernement ne comprend pas l’importance de ces enjeux, c’est qu’il ne remplit pas pleinement son rôle.

Q3. Quelle est la vision portée par votre parti, Les Républicains, en matière de Handicap ?

Historiquement, toutes les grandes lois concernant le handicap ont été portées par la droite. Aujourd’hui un changement de logique est nécessaire et c’est pourquoi la plupart de mes collègues Républicains à l’Assemblée ont cosigné sur la proposition de loi pour une société plus inclusive que j’ai déposée.

Quotidiennement, nous sommes nombreux à rester vigilants sur le sujet à travers des propositions de loi, des amendements ainsi que des interpellations du Gouvernement (Question écrite, question orale sans débat, courriers, etc.). Nous avons la conviction que le handicap ne doit pas être le combat des personnes handicapées contre tous mais le combat de tous pour aider les personnes handicapées.

Nous sommes conscients des inégalités qui subissent encore aujourd’hui les personnes handicapées face au marché de l’emploi. En ce sens, lors du projet de loi avenir professionnel, une clause de « revoyure » du taux plancher de 6% au taux d’emploi des travailleurs handicapés a été introduite. Le député M. Bernard Perrut a présenté un amendement empêchant une baisse du taux dans l’hypothèse où la part des bénéficiaires du taux d’emploi dans la population active viendrait à diminuer.

L’intégration scolaire est également un volet important de notre action. La proposition de Loi de M. Marc Le Fur visant à rendre compte des difficultés scolaires des enfants « dys » dans le système éducatif constitue une avancée considérable à ce sujet. Elle permet en effet de mettre en place des dispositifs adaptés et d’un accompagnement personnalisé pour les élèves qui éprouveraient des troubles d’apprentissages, soit 6% à 8% de la population. La mise en œuvre de tels projets permettrait ainsi d’éviter l’échec scolaire, l’illettrisme, le décrochage scolaire pour 3 % à 5 % des élèves souffrant de ces troubles.

Nous sommes également soucieux des aspects pratiques de la vie des personnes handicapées en ce qu’ils sont déterminants dans l’intégration sociale de chaque individu. Ainsi, M. Bazin est à l’initiative d’une proposition de loi visant à réaffirmer le principe de libre accès aux lieux publics et aux transports des chiens guides accompagnant les personnes handicapées. Cette évolution devrait permettre de mettre en place un véritable statut du chien guide, qui n’existait pas auparavant, pour que ces compagnons puissent être acceptés partout avec leur maître.

Ainsi, nous usons pleinement de nos moyens d’action pour faciliter la vie quotidienne des personnes en situation de handicap et adapter la société à leurs situations particulières.