Prix Handi-Livres 2017 : Présentation de la catégorie Biographie

Prix Handi-Livres 2017 : Présentation de la catégorie Biographie

Le prix de la Meilleure Biographie récompense, depuis la création du Prix Handi-Livres en 2005, des œuvres écrites par une personne en situation de handicap et racontant sa propre expérience, ou par un tiers sur la vie d’un proche en situation de handicap.

On se souvient notamment du témoignage poignant de Pascal Doublet dans son ouvrage Défiguré – Le poids de la différence, lauréat de l’édition 2013 ; ainsi que la récompense décernée en 2014 à Philippe Croizon pour son récit autobiographique (Plus fort la vie) emprunt de courage et de résilience. L'année dernière, le jury avait décidé de primer l'ouvrage d'Églantine Éméyé intitulé Le voleur de brosses à dents (Robert Laffont).



Cette année, 5 ouvrages ont été présélectionnés pour concourir dans cette catégorie :

  • Drôles de bulles de Emmanuelle ROUSSEAU (Salvator)
  • Le malaise d’Hippocrate de Marie SEY (Éditions Chapitre.com)
  • Out of the box ! La joie à roulettes de Marie-Caroline SCHÜRR (Éditions du Jubilé)
  • La mal-éclose de Julie FIORET (Grrr...Art Éditions)
  • Le miroir de l’exil de Bachir KERROUMI (Éditions Complicités)
Drôles de bulles de Emmanuelle ROUSSEAU

Depuis sa naissance, Charles est atteint d’une grave maladie génétique, rare et orpheline: « l’épidermolyse bulleuse distrophique récessive ». Sous ces mots compliqués se cache un mal redoutable qui atteint les muqueuses et fait de son corps une plaie vivante. Chaque choc provoque des sortes de bulles qui empêchent la peau de cicatriser. De « drôles de bulles » qui ne prêtent pas à rire mais font du quotidien un combat à reprendre sans cesse.

Ce combat de Charles – que le public a pu découvrir dans le film bouleversant d’Anne-Dauphine Julliand Et les mistrals gagnants (2015) –, Emmanuelle, sa mère, en parle avec force et pudeur. Comment nier bien sûr que la souffrance fait peur, pousse à fuir et à pleurer ? Et pourtant elle n’est pas incompatible avec le bonheur, avec des moments de joie toujours possibles ! Devant un enfant gravement malade, il faut savoir parfois tout réinventer. Mais l’Amour permet de déplacer des montagnes, au-delà de nos simples forces.

Le malaise d’Hippocrate de Marie SEY

Un soir de février 1995, alors qu’elle était seule en train de dîner, Marie Sey découvre qu’un de ses doigts, posé sur sa fourchette, ne répond plus. Ce fut alors pour elle le début de six années à subir la dégradation de son corps atteint par la maladie de Charcot ou SLA (sclérose latérale amyotrophique), avec la certitude d’une issue fatale. Sans fard, elle décide de raconter l’expérience de cette enveloppe charnelle qui s’atrophie et d’un cerveau dont elle compte puiser les nombreuses ressources : « Tout malade condamné à mort se retrouve entouré et pourtant désespérément seul sur l’île déserte de la survie où, tel Robinson sans Vendredi, il doit faire preuve de lucidité, de courage et d’ingéniosité pour s’organiser un espace mental où il pourra encore cultiver la nourriture spirituelle, intellectuelle, analytique qui, telle une vitamine, optimisera sa capacité de résistance, sa combativité. » Récit de l’impuissance progressive et de la rupture brutale de l’ordre des choses, Marie Sey convoque dans cet ouvrage ses dernières forces pour livrer une réflexion sur l’échéance de la mort qui approche dans les circonstances qui sont les siennes en opposant une critique à l’égard des médecins à qui elle reproche une parole désincarnée, étrangère à la réalité du vécu des patients.

Out of the box ! La joie à roulettes de Marie-Caroline SCHÜRR

Dix chapitres avec autant de couleurs pour les intituler dans ce témoignage autobiographique de Marie- Caroline Schürr, jeune enseignante de 32 ans qui aime se jouer de son statut de PMR (personne à mobilité réduite) : tantôt « Petite Marica Roulettes » et le lendemain « Palette de couleurs aux Mille Reflets ». Elle choisit ainsi de raconter dans ce livre ce que le handicap a certes pu lui enlever mais aussi tout ce qu’il lui a apporter. Une approche plus authentique des rapports humains par exemple : « J’ai besoin d’une aide concrète pour tous les gestes du quotidien mais j’ai avant tout besoin de l’autre pour me révéler ma personne, ma beauté, qui je suis, le cœur de ma personne. Le geste physique suit. » Cette foi en les autres qui lui donne foi en elle-même a permis à Marie-Caroline Schürr de repousser toujours plus loin les frontières de ce que son handicap promettait d’interdire : voler dans les airs, parcourir le monde à la rencontre des autres, asseoir une autorité bienveillante dans son métier d’enseignante et tout simplement mener sa vie de femme. L’occasion pour elle également de réfléchir sur la question des regards, ceux que la société portent sur elle mais également celui qu’elle renvoie en retour : « Je ne suis pas qu’un objet de regard, également une personne invitée à regarder une autre personne. Il est difficile d’être regardé quand mon handicap se voit, que c’est la première chose visible chez moi. Mais mon handicap, est-ce moi ou une apparence ? [...] La tendresse du regard que je porte et pose sur moi adoucira le regard de mon prochain et la tendresse reçue du regard de l’autre sur moi m’aidera à poser un regard doux sur ma personne. » Une sagesse et une force devant les difficultés que l’auteure tire dans « le soleil de la foi » et les valeurs chrétiennes qu’elle applique au quotidien pour entretenir cet amour de la vie qu’elle décrit dans ces lignes.

La mal-éclose de Julie FIORET

La vie de Julie n’est pas celle de tout le monde quand elle s’empresse de « quitter le nid maternel à six mois et quatre jours de grossesse ». Ses parents purent la récupérer seulement deux mois après, sauve mais avec un lourd handicap qui l’accompagnera désormais tout au long de sa vie. Via ces extraits condensés d’un journal intime, la jeune femme de 32 ans revient sur les moments qui ont marqué les années passées. Une enfance heureuse au milieu d’une famille unie mais portant les cicatrices des nombreuses opérations qu’elle a dû subir, avec la douleur laissée par les semaines d’attelle et de gouttière en plâtre à porter. Et puis Julie devint adolescente, avec toutes les complexités liées à cet âge mais aussi avec l’espoir de pouvoir devenir mère un jour ; ce fut malheureusement l‘époque où elle fut victime d’un homme qui profita de son immobilité pour abuser d’elle... Elle intègre ensuite un foyer d’accueil médicalisé (FAM) où elle décrit les jours qui se suivent et se ressemblent, sans la moindre autonomie et une vie personnelle absente. Mais Julie narre aussi les moments de grâce qu’elle ressent dans la peinture et l’écriture. Des moyens pour elle d’exprimer sa colère contre tous ceux qui ignorent leur chance d’être autonomes, sa vie de femme également, avec son lot de déceptions, d’amertume mais aussi d’amour et d’amitié auprès de ceux qui l’entourent. Maintes fois condamnée, Julie Fioret livre ici les nombreuses ressources qu’elle a su développer pour toujours parvenir à se redresser.

Le miroir de l’exil de Bachir KERROUMI

Organisé en trois parties, le récit de Bachir Kerroumi prend place lors de son arrivée en France à l’âge de quinze ans alors qu’il vient de quitter l’Algérie. Une situation complexe pour ce jeune sans-papiers dont les sentiments alternent entre l’émerveillement de ce qu’il découvre dans ce nouveau pays et la crainte du retour à Oran. Mais au cours d’une nuit, plusieurs hémorragies internes affectent ses yeux, l’empêchant de percevoir le moindre rayon de lumière. Fort de caractère, le jeune homme décide alors de convertir en force le handicap auquel il est désormais confronté : « Enfin je découvre la beauté, la vraie, celle qui émane de la quintessence de nos personnalités, qui transforme nos défauts en qualités. J’ai conscience, aujourd’hui, que je suis différent : je vois ce qui ne se voit pas. » La détermination fut nécessaire pour venir à bout de ce double parcours du combattant qui consiste à s’intégrer dans une société lorsqu’on est à la fois étranger et en situation de handicap. Bachir se retrouve chez un marchand de sommeil dans un hôtel crasseux, vit sous la pression de l’échéance de la carte de séjour et évolue dans un monde de marginaux qui lui semble parfois aussi hostile que la menace de l’exclusion. Le jeune homme n’a qu’une idée en tête : sortir de cette misère. Vient alors le temps de la « conquête » ; celle de sa propre vie. Il trouve son équilibre dans le sport (le judo) et les études (les mathématiques), parvenant ainsi à dépasser les différences qui semblaient le condamner. Devenu l’homme qu’il voulait être, Bachir a les yeux rivés sur son avenir...