Prix Handi-Livres 2015 : Présentation de la catégorie Biographie

Prix Handi-Livres 2015 : Présentation de la catégorie Biographie

Depuis maintenant 10 ans, le Prix Handi-Livres met en lumière des auteurs handicapées ou des ouvrages ayant pour thème le handicap. Cette distinction maintenant reconnue par la presse et les professionnels de l’édition est décernée dans 6 catégories : « Roman », « Biographie », « Guide », « Livre Adapté », « Livre Jeunesse Enfant », et « Livre Jeunesse Adolescent ».

Focus : Catégorie « Biographie »

Le prix de la Meilleure Biographie récompense, depuis la création du Prix Handi-Livres en 2005, des œuvres écrites par une personne en situation de handicap et racontant sa propre expérience, ou par un tiers sur la vie d’un proche en situation de handicap.

On se souvient notamment du témoignage poignant de Pascal Doublet dans son ouvrage Défiguré – Le poids de la différence, lauréat de l’édition 2013 ; ainsi que la récompense décernée l’année dernière à Philippe Croizon pour son récit autobiographique (Plus fort la vie) emprunt de courage et de résilience.

Cette année, 5 ouvrages ont été présélectionnés pour concourir dans cette catégorie :

  • De vous à moi de Christelle ANGANO (Editions de la Rémanence)
  • En dépit du bon sens – Autobiographie d’un têtard à tuba de Marcel NUSS (Editions de l’Eveil)
  • L’art d’être différent – Histoires de handicaps de Nicolas BISSARDON, Marie DECKER, Deza NGUEMBOCK, Lalie SEGOND et Benoît WALTHER (Editions Erès)
  • Olivier, tu ne m’auras jamais dit maman ! de Nicole SOBCZYK (Editions Eanna)
  • Toi et moi, j’y crois de Philippe POZZO DI BORGO (Editions Bayard)
De vous à moi de Christelle ANGANO

Dans ce récit autobiographique, Christelle Angano raconte comment le destin a frappé par deux fois les enfants qu’elle a portés. Deux enfants qui sont chacun l’objet des deux parties du livre. Juluan est décédé à quatre mois de ce que l’on nomme en terme médical une MSN (Mort Subite du Nourrisson). L’auteur se livre alors sur « l’effroyable cassure » qui s’est produite en elle et l’apprentissage qu’elle a dû effectuer d’une absence irréversible. L’occasion pour elle de régler ses comptes avec les réactions aussi maladroites que révoltantes auxquelles elle a dû faire face mais aussi d’expliquer ce qu’une personne dans cette situation aimerait parfois entendre. Elle pensait que cette tragédie la protègerait pour l’avenir, « un peu comme si nous avions déjà payé notre tribut », nous dit-elle. Mais lorsqu’elle met au monde sa fille Mélina, quelques années plus tard, elle apprend que celle-ci souffre d’un handicap causé par un accident opératoire. Heureusement « le jour vient après la nuit » écrit-elle et c’est un amour salutaire qu’elle dépeint avec sa « princesse baroque ». Cette seconde partie traite donc davantage du combat qu’elle continue de mener en faveur de la reconnaissance des enfants « différents » afin que ceux-ci soient mieux intégrés par les différentes structures (écoles, centres spécialisés, etc.) mais également par nos mentalités.

En dépit du bon sens – Autobiographie d’un têtard à tuba de Marcel NUSS

Marcel Nuss est atteint d'une amyotrophie spinale, une maladie congénitale lourdement invalidante et nécessitant une assistance respiratoire ainsi que la présence continue d'un assistant. Dans cette autobiographie, il expose soixante années de douleurs, de maltraitantes médicales et administratives. Il raconte son quotidien d'enfant, ses turpitudes de jeune homme et d'adulte confronté à la menace d'une mort douloureuse en cas de défaillance du matériel qui lui permet de respirer. Sans la moindre concession, il dénonce l'hypocrisie de nombreux politiciens et leur incompétence. Il pointe du doigt les incohérences de notre système de soins et de prise en charge du handicap. Il met aussi des mots sur ses errances affectives, sur les joies qu'il a pu connaître avec les femmes qui l'ont aimé, sur ses souffrances quand elles ont cessé de le faire. Il dit la difficulté d'être père et néanmoins la richesse que la paternité lui a accordée. Il confie aussi la joie d'un nouvel amour qu'il s'apprête à célébrer par un mariage et un nouveau projet d'enfant. Avec ce témoignage, Marcel Nuss livre un grand message d'espoir pour celles et ceux qui se sentent défavorisés par le sort. Tant de choses sont possibles à celui qui garde l'envie de vivre et de se battre !

L’art d’être différent – Histoires de handicaps de Nicolas BISSARDON, Marie DECKER, Deza NGUEMBOCK, Lalie SEGOND et Benoît WALTHER

Ce livre d’entretiens dresse le portait de cinq personnes en situation de handicap physique ayant la volonté de transformer les regards portés sur eux par la société. Cinq portraits pour cinq chapitres afin d’expliquer que derrière le handicap il existe une personne en tant que telle, dont la construction demande a être perçue autrement qu’avec les lunettes de la différence. Dans « Née avec une étoile », Deza Nguembock raconte les souvenirs de la découverte de son handicap au Cameroun lorsqu’elle était enfant, basculée entre les hôpitaux et les guérisseurs, et avec une perception différente de celle de nos sociétés occidentales. L’occasion aussi pour elle de poser la question de la parentalité et d’évoquer le cheminement de son projet Esthétique & Handicap. Lalie Segond – « Être soi dans le regard de l’autre » – retrace son parcours universitaire qui lui a permis d’associer le handicap et la littérature ; un thème au cœur de ses activités professionnelles. Un travail qui lui a permis de repenser le rapport qu’elle a avec son corps « reconnaissable » mais aussi d’agir en éduquant le regard des autres. Benoît Walther – « Corps perdu, corps vécu » – souffre d’une agénésie de membre (l’arrêt ou l’absence in utero d’un membre) potentiellement due à une erreur médicale. Également épanoui professionnellement, il relate sa colère à l’âge de 7 ans quand il a pris conscience que sa jambe ne grandirait pas, les différents appareillages qui lui ont été adaptés et la douleur qui les accompagne. Mais Benoît Walther s’insurge davantage contre une hypocrisie ambiante au sein de la société, par le langage et dans le regard, qui dessert plus encore la place occupée par les personnes en situation de handicap dans la société. « Un enfant, un homme et un père comme les autres » est le récit de Nicolas Bissardon qui travaille aujourd’hui dans le domaine qu’il convoitait : la publicité. Que ce soit pour le média handicap.fr relève presque du hasard selon lui. Un entretien qui permet de comprendre que si le handicap est un frein, il n’a jamais été pour lui une barrière à ce qu’il y a d’essentiel dans la vie d’un homme, la construction d’une famille par exemple. Enfin, Marie Decker propose quant à elle de « Cultiver le sourire ». Âgée de 45 ans, elle vit dans un fauteuil depuis vingt-cinq ans. Une situation qui ne l’a pas empêchée de se marier et d’avoir quatre filles et d’enchaîner les projets professionnels malgré les multiples contraintes liées à son handicap.

Olivier, tu ne m’auras jamais dit maman ! de Nicole SOBCZYK

Ce récit autobiographique retrace le parcours de Nicole Sobczyk dans le fil rouge de l’épreuve : l’épreuve par la souffrance d’abord, mais laissant place à l’épreuve par la joie ensuite. Née dans une famille sans amour, Nicole Sobczyk a elle-même donné naissance à Olivier à l’âge de 19 ans, avec un homme de vingt ans plus âgé qu’elle et qui a rapidement fui ses responsabilités devant le handicap de leur fils. Malgré son jeune âge, elle comprend rapidement qu’elle devra affronter cette situation seule et se consacrer à l’éducation « particulière » de ses deux garçons. Elle décrit alors les nombreux obstacles qui se sont dressés sur son chemin : des difficultés pratiques et matérielles bien entendu, mais aussi psychologiques dans l’acceptation de cette souffrance qu’elle est parvenue à dépasser ou dans sa relation avec Philippe, « le témoin du combat mené, le confident même ». À 39 ans, Olivier décède. C’est encore un nouveau combat qu’il faut mener, un grand vide laissé dans la vie de l’auteur. Elle décide alors de convertir cette expérience et le manque laissé par la perte de son fils en une force. Une force quasi « révélée » par une marche sur le chemin de Compostelle qu’elle évoque comme un authentique moment de réflexion pour continuer à se souvenir et à œuvrer en faveur de la reconnaissance du handicap.

Toi et moi, j’y crois de Philippe POZZO DI BORGO

Jusqu’au drame de l’accident de parapente qui l’a rendu tétraplégique, Philippe Pozzo di Borgo menait ce que l’on appelle communément « une vie de rêve ». Si son premier livre lui avait permis de faire le deuil de sa femme et, d’une certaine manière, de sa validité, ce nouveau livre décrit le cheminement psychologique qui a été le sien les années suivantes. Comme on peut s’y attendre, la solitude et le handicap ont provoqué dans sa vie des bouleversements de taille mais lui ont aussi permis de réviser son rapport à l’autre et à soi puisque, comme il le décrit si bien, on ne peut pas vivre seul. Ce témoignage révèle ainsi les difficultés que peuvent poser de rencontrer l’autre quand on est prisonnier d’un rôle à tenir – le véritable handicap selon lui – alors que c’est justement dans le partage et les rencontres que se trouve le terreau d’une vie accomplie. Que ce soit avec des proches ou des inconnus, l’auteur explique comment cette situation a permis d’ouvrir les fenêtres sur une nouvelle matrice de dialogue dans lequel l’échange, l’intimité du Toi et du Moi avaient enfin leur place. Un processus qui semble évident sur le papier mais dont l’auteur décrit la complexité, notamment quand il s’agit de commencer par réévaluer le rapport que l’on entretient avec soi.